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Photo du rédacteurKasia

Pourquoi les Français devraient-ils parler anglais ?




- Bonjour, parlez-vous anglais ?

- Non. (Par défaut – cela marque la fin catégorique de notre conversation, je ne souhaite plus avoir affaire à vous, donc soit vous vous mettez à parler français, soit au revoir.)


Ce court dialogue illustre la réticence des Français à sortir de leur zone de confort linguistique. Existe-t-il un moyen de changer cette situation ? L’anglais (ou, en réalité, n’importe quelle langue étrangère) cessera-t-il d’être une barrière que les Français ne souhaitent pas, ou plutôt ne veulent pas, franchir ? Non. En tout cas, il semble que cela ne se produira pas de sitôt.


Cette réponse plutôt sombre et sceptique repose sur un ensemble de facteurs culturels, identitaires, systémiques et idéologiques qui façonnent l’identité du Français moyen. Tous ces facteurs constituent une partie solide de l’iceberg dont le sommet est ce « non » laconique mais ferme du dialogue ci-dessus.


En effet, si depuis mon plus jeune âge, je suis entourée d’une seule langue, si les cours d’anglais à l’école sont ennuyeux, si les enseignants ont perdu ou n’ont jamais eu de véritable vocation pour leur métier, si le système change trop souvent et si je dois « simplement » apprendre à répondre correctement, principalement à l’écrit, aux questions des tests, pourquoi devrais-je réellement m’intéresser à l’anglais ? Si la plupart des films et médias étrangers sont disponibles en version doublée en français, pourquoi se donner la peine ? Si mes parents n’ont pas nécessairement eu besoin de parler anglais pour obtenir un bon emploi et si je ne prévois pas de passer mes études ou de partir travailler à l’étranger, pourquoi ? Et enfin, si dans les médias et les livres je vois que la France se porte bien, qu’elle a une histoire riche et que tant de personnes dans le monde parlent français, pourquoi diable ai-je besoin de cet anglais ? Voilà la question.





Eh bien, justement pour continuer à nourrir la fierté culturelle et renforcer davantage l’identité française. La littérature française, l’art, la culture, la pensée philosophique et les diverses inventions technologiques méritent toute notre attention, et en utilisant un outil aussi banal que l’anglais, elles peuvent atteindre un public mondial tout en soulignant leur singularité et leur valeur unique.


Il est important de se rappeler que cela concerne tout ce qui façonne la France entière, y compris ses nombreux territoires d’outre-mer. Vivant depuis plus de deux ans sur l’île de La Réunion, véritable creuset de tant de cultures et de traditions, je découvre encore de nouvelles choses, et de nombreux éléments de la culture créole devraient être davantage diffusés et servir à construire des ponts entre les individus et même les communautés.

Prenons par exemple le Maloya, un art et une tradition transmis sur l’île depuis des générations, qui mérite amplement sa place sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO. Si l’on ajoute à cela l’impressionnante et remarquable art martial du moringue, nous obtenons une image vivante de l’histoire du pays, présente dans la vie quotidienne du Créole moyen, qui en est fier.


Bien que la fierté pour le patrimoine culturel soit compréhensible, se barricader dans la créolité (ou plus généralement dans la francité) et s’enfermer dans un cercle restreint de schémas connus expose à l’hermétisme et décourage de découvrir de nouvelles perspectives. Cela peut conduire à percevoir le Créole (ou le Français) comme un arrogant stéréotypé. On peut supposer que cette attitude, alimentée par la peur de perdre une précieuse identité culturelle, pourrait paradoxalement contribuer à son affaiblissement. La culture est en effet un organisme vivant qui évolue et s’enrichit par l’interaction avec d’autres cultures.


Pour que notre culture puisse se développer et être reconnue à travers le monde, nous devons nous ouvrir aux interactions avec d’autres cultures. Ce n’est qu’à travers l’échange et le dialogue que nous pourrons pleinement apprécier la valeur de notre propre culture tout en nous inspirant de la richesse des autres traditions. Dans ce contexte, la langue anglaise joue un rôle clé.





L’anglais est aujourd’hui la lingua franca – la langue de communication internationale. Dans un monde de globalisation, où les barrières géographiques et culturelles deviennent de plus en plus perméables, la connaissance de l’anglais est non seulement utile, mais essentielle. Sa maîtrise ouvre de nouvelles opportunités et permet une meilleure compréhension et communication avec les autres nations.


Cependant, il semble que ces arguments ne convainquent pas les Français, comme en témoignent leurs plaintes auprès du Tribunal Européen, où ils affirment que l’anglais bénéficie d’une prééminence disproportionnée au détriment d’autres langues, dont le français. Bien que l’on puisse reconnaître que promouvoir le multilinguisme est crucial pour préserver la richesse culturelle de l’Europe et du monde, percevoir la connaissance de l’anglais comme une menace ferme les portes de la participation active au dialogue mondial et nourrit un sentiment d’isolement qui peut conduire à une stagnation culturelle et intellectuelle.


Il ne reste plus qu’à espérer que la fierté des Français ne les empêchera pas de surmonter l’inconfort lié au fait que, jadis, le français était en tête en tant que langue de prestige et que maintenant, c’est l’anglais qui occupe cette position. Cependant, l’avenir est imprévisible. Qui sait, peut-être qu’un autre langage deviendra lingua franca dans quelques décennies. Il est important que nous développions dès maintenant l’ouverture et la capacité d’adaptation pour lesquelles nous pourrons nous féliciter à l’avenir.

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